L’Assemblée nationale adopte la création de l’homicide routier

Par Sébastien
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Le 3 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture, avec modifications, la proposition de loi instaurant un nouveau délit d’homicide routier. Le texte vise à répondre à la recrudescence des violences routières en adaptant le droit pénal aux réalités du terrain.

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La proposition de loi doit être examinée une nouvelle fois par le Sénat.

Un nouveau délit pour des comportements à risque

La proposition de loi prévoit de distinguer clairement les cas d’accidents mortels causés par une conduite délibérément dangereuse, en créant une infraction autonome d’homicide routier. Concrètement, ce délit pourra être retenu en présence de circonstances aggravantes telles que la conduite sous alcool ou stupéfiants, sans permis, à grande vitesse ou encore avec usage d’un téléphone portable tenu en main.

Dans le même esprit, un délit de blessures routières est également créé. Il se décline selon la gravité des séquelles, en fonction de l’incapacité totale de travail (ITT) constatée. Deux catégories sont prévues : ITT de moins de trois mois et ITT de plus de trois mois.

Ces nouvelles qualifications visent à rompre avec la terminologie actuelle d’« homicide involontaire », jugée inadaptée par les parlementaires et mal perçue par les familles de victimes. Elles permettront aussi d’appliquer un traitement pénal plus cohérent vis-à-vis de comportements routiers jugés particulièrement irresponsables.

Une réponse aux attentes des familles et des forces de l’ordre

Ce changement s’inscrit dans la continuité des recommandations du Comité interministériel de la sécurité routière de juillet 2023. Selon les chiffres de la Sécurité routière, près de 3 500 personnes ont perdu la vie sur les routes françaises en 2024, un chiffre stable mais toujours préoccupant. Derrière ces drames se cachent souvent des conduites manifestement à risque.

Le texte, en plus d’une dimension symbolique forte, entend mieux responsabiliser les conducteurs en renforçant la portée des sanctions pénales. Il rétablit largement la version initiale votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en janvier 2024, après que le Sénat a proposé plusieurs amendements en mars.

Circonstances aggravantes et conséquences juridiques

L’homicide routier, comme les blessures routières, s’appliquera uniquement si l’une des circonstances suivantes est constatée :

  • Conduite en état d’ivresse ou sous stupéfiants ;
  • Refus de se soumettre à un contrôle ;
  • Usage de substances psychoactives à des fins détournées ;
  • Conduite sans permis ;
  • Excès de vitesse supérieur ou égal à 30 km/h ;
  • Délit de fuite, non-assistance à personne en danger ;
  • Usage d’un téléphone à la main ou d’écouteurs ;
  • Refus d’obtempérer ;
  • Participation à un rodéo urbain.

Les peines principales restent similaires à celles déjà prévues pour les délits d’atteinte involontaire. Toutefois, en cas de pluralité de circonstances aggravantes, les sanctions pourront être alourdies.

Par ailleurs, la création d'une peine plancher en cas d’homicide routier, un temps envisagée, n’a pas été retenue.

Peines complémentaires et mesures de prévention

Le texte réaffirme l’importance des peines complémentaires, déjà applicables pour les délits routiers graves. Les juges pourront continuer de prononcer :

  • Suspension ou annulation du permis ;
  • Confiscation du véhicule ;
  • Interdiction de conduire certains véhicules ;
  • Interdiction de porter une arme.

Dans certains cas, ces peines deviendront obligatoires. Ainsi, l’annulation du permis s’appliquera systématiquement en cas de blessures ayant entraîné une ITT de plus de trois mois. La confiscation du véhicule sera automatique en cas de conduite sous alcool et stupéfiants.

Le projet introduit également des modules de prévention de la récidive, axés sur la sensibilisation aux dangers de la conduite sous influence et à la consommation de substances.

Excès de vitesse, récidive, conduite sous emprise : des mesures renforcées

L’un des points marquants de la réforme est la requalification des grands excès de vitesse : dès 50 km/h au-dessus de la limite autorisée, il s’agira désormais d’un délit, et non plus d’une simple contravention. La peine encourue pourra aller jusqu’à 3 mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende, ou être régularisée via une amende forfaitaire délictuelle de 300 €.

La lutte contre la récidive est également renforcée. La liste des infractions assimilées est élargie pour mieux cibler les conducteurs sans permis et multirécidivistes.

En matière de conduite sous alcool et/ou stupéfiants, les peines sont durcies. La suspension administrative du permis deviendra systématique, et sa durée doublée pour les conducteurs de transports en commun. En cas de consommation combinée, le véhicule sera immobilisé et placé en fourrière.

Enfin, une mesure importante est introduite : le permis de conduire pourra être retenu à titre conservatoire, dans l’attente d’un examen médical obligatoire du conducteur impliqué dans un homicide routier ou des blessures graves. Ce contrôle sera réalisé aux frais de l’intéressé.

Et après ?

La proposition de loi doit désormais être examinée une nouvelle fois par le Sénat. Si elle est adoptée dans les mêmes termes, elle pourra être promulguée. Sa mise en œuvre complète est attendue d’ici la fin de l’année 2025.



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Je suis gendarme

Dernière mise à jour juin 11, 2025

À propos de l'auteur

Sébastien Céret

Depuis 2014, je conçois et gère des sites web dont le but est de faciliter le quotidien des (futurs) gendarmes.

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